Derrière les tracts antisémites distribués près de Rouen, « Nid d’aigle », un groupuscule néonazi local surveillé par les renseignements Par Rémi Martin - le 28/11/2023 à 15h30 Le Poulpe a pu retracer le parcours de trois jeunes hommes, surveillés par le renseignement, accusés d'avoir distribué des tracts néonazis dans deux communes françaises, dont une située dans l'agglomération rouennaise. Ces trois personnages, bientôt jugés, sont connectés à la mouvance nationale d'ultra-droite et fervents défenseurs de l'idéologie national-socialiste. « C'est politique. Je suis national socialiste. Et je fais de la propagande tout simplement. » Le ton est donné. Devant les gendarmes de la section de recherches de Rouen, Simon P., 22 ans, domicilié à Elbeuf, ne fait pas mystère de son adoration pour Adolf Hitler et l’idéologie néonazie. Ce 13 septembre 2023, il est entendu sous le régime de la garde à vue en tant que principal suspect de deux opérations de distribution de tracts antisémites et homophobes. Sont également placés en garde à vue, Anton R., domicilié à Elbeuf également, Antoine L., installé dans les Pyrénées-Atlantiques, Pascal A, logé dans le même département, et la petite amie de Simon P.. Au terme des interrogatoires, seuls les trois premiers sont poursuivis devant le tribunal correctionnel pour « apologie publique de crime ou délit », « provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion » et « provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre ». Après deux renvois, le procès doit se tenir vendredi 1er décembre. Au-delà des tracts, Simon P. et Anton R. sont renvoyés pour des tags « France Blanche », réalisés à l’aide d’un pochoir sur un transformateur de la commune de La Neuville-Chant-d’Oisel (76), sur le plateau Est de Rouen, au début du mois d’août 2023. "C’est une caricature de l’antisémitisme", commente aujourd’hui Kaltoum Gachi, avocate du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), partie civile à l’audience, relevant « le profil inquiétant » de l’un des trois mis en cause. « Vu le contexte politique général et des instructions ministérielles visant à réprimer plus sévèrement ce type d’actes, on espère que les condamnations ne seront pas anodines », ajoute l’avocate. Contactés, les conseils des trois mis en cause n’ont pas donné suite. Ces derniers, pistés par les gendarmes, depuis plusieurs semaines déjà, à base de géolocalisation de téléphones, voitures, filatures physiques et pose de caméras sur la voie publique, ont finalement été interpellés le 13 septembre après une nouvelle opération de distribution de tracts menée à Gurs (64) quarante-huit heures plus tôt. Plusieurs particuliers ayant reçu les tracts ont déposé plainte ainsi que les maires de la Neuville-Chant-d’Oisel et de Gurs. En garde à vue, les trois jeunes hommes ont tous avoué leur participation aux faits reprochés. En revanche, Simon P. a nié sa participation à d’autres distributions similaires, effectuées dans les Côtes d’Armor, dans le Haut-Rhin ou encore à Canteleu (76), auxquelles les gendarmes le soupçonnaient d’avoir participé. Manquant d’éléments de preuve, la justice ne poursuit pas le jeune homme pour ces événements. Les faits se sont déroulés, de nuit, dans différentes boîtes aux lettres de la commune de La Neuville-Chant-d’Oisel en Seine-Maritime et à Gurs dans les Pyrénées-Atlantiques. La première opération remonte au mois de mai 2023, la seconde à début septembre de la même année. « HOMME BLANC Tu en as assez de voir LES JUIFS détruire ton pays par l'immigration, la dégénérescence pédo-LGBT et la guerre ? REJOINS-NOUS POUR RÉTABLIR LA DOMINATION DE LA RACE BLANCHE EN EUROPE! », indique le tract orné de plusieurs croix gammées. Démocratie participative et un français exilé au Japon Il est issu du site internet Démocratie participative - un QR code présent sur les tracts renvoie d’ailleurs sur le site -, hébergé aux États-Unis, qui prône l’idéologie nazie. Sur le site, le tract à télécharger est accompagné de « consignes pour tracter » suivies à la lettre par les mis en cause, invitant notamment à agir en zone rurale loin de la vidéosurveillance, sans emmener son téléphone ou encore en manipulant les tracts à l’aide de gants et en portant un masque. Les spécialistes de l’extrême droite française soupçonnent Boris Le Lay, un quadragénaire breton, d’en être le dirigeant. L’homme est sous le coup de multiples poursuites judiciaires, recherché par Interpol et caché au Japon qui ne l’extrade pas car marié à une japonaise. « Le site néo-nazi « démocratie participative » administré par Boris le Lay, exilé au Japon, est à l’origine de ces tracts. L’intéressé fait l’objet de plusieurs mandats de justice suite aux condamnations pour ses propos racistes, antisémites et homophobes », indiquent sur procès-verbal les gendarmes de l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine. « L’activité majeure du site repose sur des publications quotidiennes d’articles analysant l’actualité sous le prisme de son idéologie. Il en découle de nombreux propos racistes, antisémites, anti-LGBT et misogynes incitant à la haine et à la violence contre plusieurs groupes de personnes et plus généralement envers tout ce qui est « non-blanc » », détaille le même document consulté par Le Poulpe. Depuis plusieurs années, Boris Le Lay inonde la toile de sa propagande nauséabonde. Notamment auprès d'un petit groupe de sympathisants, installé dans l’agglomération de Rouen, qui se baptise "Nid d’aigle", en référence à la résidence du dictateur nazi perchée à 1800 m d’altitude, en Bavière, sur un piton rocheux inaccessible. Avant la mise en garde à vue de Simon P., de sa petite amie et de trois autres jeunes hommes, le groupuscule existait depuis environ dix-huit mois. Il se réunissait régulièrement au domicile elbeuvien de Simon P.. « Au plus fort, on était huit, et là nous sommes deux », explique le jeune homme aux enquêteurs. Ses membres, qui partagent tous une idéologie nationaliste, ont mis en place une cagnotte pour financer des achats en lien avec des actions de tractage, de tags à caractère nazi et de stickers en rapport avec l’affaire Lola, un dramatique fait divers largement instrumentalisé par la mouvance d'ultra-droite. L’argent collecté au sein du groupuscule a également servi à l’achat de matériel pour des bivouacs. Les procès-verbaux d'interrogatoires que Le Poulpe a pu consulter ainsi que des documents saisis permettent de comprendre la genèse et le fonctionnement de cette petite cellule. Le duo Simon P. Et Anton R. se forme en marge des manifestations contre le pass sanitaire organisées à Rouen. « C'est devenu un camarade, c'est pour moi le plus haut niveau dans l'estime que j'ai pour les gens. lI a les mêmes idées que moi, d'ailleurs tous mes amis ont les mêmes idées que moi, sinon, ils ne sont pas mes amis, car ce sont des gens creux », explique Simon P.. Des connexions se sont également établies avec les protagonistes basés dans le sud-ouest, via le réseau social Discord monté en puissance au moment de la crise de la Covid-19. Chaque participant du groupe Nid d’aigle dispose d’un pseudonyme. Différents comptes-rendus de réunions permettent de saisir la tonalité des discussions qui tournent autour de lectures d’ouvrages mais aussi de détails pratiques pour la réalisation de campagnes de propagande avec des autocollants ou encore l’organisation d’expéditions bivouacs et le possible achat d’un terrain forestier pour la construction d’une cabane. En garde à vue, la petite amie de Simon P. explique que ce dernier « va souvent en forêt et en bivouac, juste pour être en forêt ». « Avec Anton, son frère, ils préparent leurs affaires, tout l’équipement, ils prennent souvent des couteaux avec eux, de l’eau, une tarp, une pelle pour creuser le feu… », ajoute la jeune femme. Les documents évoquent également des pistes de recrutement de nouveaux adeptes, de prise de contact avec d’autres groupes similaires ou d’actions à venir. On y apprend que le groupe Nid d’Aigle a envisagé, et peut-être l’a-t-il fait, d’écrire une lettre de soutien à destination de Vincent Reynouard, un français, condamné pour négationnisme, qui vivait en Écosse sous une fausse identité avant d’être placé en détention. La justice écossaise a récemment autorisé son extradition. Les réunions du groupe sont agrémentées d’un bon repas dont le menu est communiqué à l’avance aux participants. Les participants actent également de l’utilisation à venir de la cagnotte collective abondée par les membres du groupe. Connexion avec des fichés S soupçonnés d'avoir voulu organiser une ratonnade en marge du match France-Maroc Face aux enquêteurs, Simon P. se montre particulièrement prolixe. Il révèle les noms des sept autres personnes qui, au maximum, ont composé la cellule. Parmi eux, Samuel D., fiché S pour « son appartenance à l’ultra-droite ». L’homme a été interpellé en décembre 2022, à Paris, quelques instants avant le coup d’envoi de la demi-finale de coupe du Monde France-Maroc. Il faisait partie d’un groupe d’une quarantaine de personnes que la police soupçonne d’avoir voulu organiser une expédition punitive contre des marocains. Renvoyé devant le tribunal correctionnel pour« participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences contre des personnes », il a finalement été relaxé à l’aune d’irrégularités de procédure. Les investigations menées par la section de recherches de Rouen ont également permis d’établir que Simon P. et Anton R. étaient en contact avec Adrien D., rouennais, également interpellé et mis en cause pour les mêmes faits. Lors de son arrestation, il était porteur « de deux containers lacrymogène, de gants coques et de protège-tibias coudes et genoux ». Lui aussi est fiché S et dans le viseur des services de renseignement. Il pratique les sports de combat et demeure à Sotteville-lès-Rouen (76). Fin août, une surveillance physique et des photos prises par les gendarmes documentent une rencontre entre les trois hommes, au bord de la rivière Robec, accompagnés de Samuel D. mentionné plus haut. Lors d’une perquisition à son domicile dans le prolongement de son placement en garde à vue à Paris, les policiers découvrent de multiples couteaux, dont un orné d’une croix gammée. Ils saisissent également une veste treillis comportant un logo avec, une fois de plus, une croix gammée. Interrogé par les gendarmes dans le cadre de l’enquête sur la distribution de tracts, Simon P. donne des détails sur la relation qu’il entretient avec lui : « C'est un ami sur Rouen, il a les mêmes idées que moi. Je ne le vois pas beaucoup, je fais du sport avec, MMA boxe (pas dans une salle, mais de manière rudimentaire). » « On s'est disputés, en gros il voulait faire des trucs qu'il ne voulait pas me dire, il ne voulait pas partager son action. Moi ça me dérangeait car s'il se faisait attraper, cela pouvait avoir des conséquences pour nous. C'est ce qui s'est passé récemment, ils étaient 80 personnes à Paris durant le match France-Maroc, ils étaient à Paris dont Samuel pour « casser » du « casseur ». J'entends par « casseur » des marocains trop joyeux et trop excités », ajoute-t-il. Question du gendarme : « En gros Samuel a participé à une « ratonnade » ? » Réponse de Simon P. : « C'était l'idée, mais il n'y en a pas eue. Le groupe s'est fait repérer par les forces de l’ordre. » Toujours selon Streetpress, Samuel D. et Adrien D., à l'occasion de leur relaxe pour la tentative de ratonnade, se tenaient devant le tribunal aux côtés d'un troisième homme, Léo R., alias Gros lardon, d'origine rouennaise, suspecté aujourd'hui d'être l'instigateur d'une manifestion sauvage organisée par l'ultra-droite à Romans-sur-Isère. Simon P. et Anton R. ne sont pas non plus des inconnus pour les services de renseignement. Selon des éléments de l’enquête que Le Poulpe a pu consulter, les deux hommes sont également suivis par ces services pour leur affiliation néonazie, sans pouvoir affirmer qu’ils sont fichés S. C’est d’ailleurs en raison de cette surveillance policière que l’enquête déclenchée à la suite de la distribution de tracts à La Neuville-Chant-d’Oisel prend une tournure décisive. Quinze jours après la distribution, le préfet de Seine-Maritime, en possession d’éléments confidentiels émanant de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), opère un signalement au parquet de Rouen au titre de l’article 40 du code de procédure pénale. « Le service a eu connaissance de l'ouverture d'une enquête confiée à la Gendarmerie Nationale et détient les informations suivantes susceptibles d'orienter les investigations en cours », explique le représentant de l’État. « Dans le cadre du suivi de deux individus connus pour partager l'idéologie néo-nazie, il a été permis d'apprendre, en janvier 2023, que le nommé Simon P., et son acolyte Anton R., avaient rédigé des tracts à caractère néo-nazi. Les individus envisageaient de les distribuer et d'inscrire des tags nazis sur la voie publique. Jusqu'à ce jour, il n'avait pas été possible de matérialiser un passage à l’acte », indique le signalement qui vise en réalité à judiciariser des éléments issus de surveillances menées par le renseignement. « Durant la commission des faits, les habitudes de Simon P. en termes de communications ont changé, selon des modalités dont il est peu coutumier », ajoute encore le courrier au parquet de Rouen laissant entendre que la ligne téléphonique de Simon P. est suivie de près par des agents de la DGSI. Les gendarmes disposent d’une vidéo d’un homme masqué en train de distribuer les tracts, filmée par l’installation d’un particulier. Rapidement, grâce aux informations de la préfecture, l’homme est identifié comme étant Simon P., lui-même surveillé par la police. Signe supplémentaire que l’enquête qui démarre présente un caractère sensible, les enquêteurs qui sont à la manoeuvre demandent et obtiennent l’autorisation de mener leurs investigations sous anonymat. Tous les procès-verbaux annexés au dossier judiciaire ne renseignent pas, comme le veulent les règles de procédures classiques, les identités des gendarmes. Outre la section de recherches de la gendarmerie de Rouen, le parquet de Rouen saisit également l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine (OCLCH) dépendant également de la gendarmerie, donnant au dossier une coloration nationale et une sensibilité particulière. En parallèle des distributions de tracts physiques, les mêmes documents ont été envoyés par mail à des dizaines de personnes, dont des élus. Selon nos informations, l’enquête concernant la cellule rouennaise n’a pas mis au jour des velléités de passage à l’acte violent. N’en reste pas moins que les gendarmes, lors des différentes perquisitions menées au domicile des mis en cause, ont pu saisir de nombreuses armes. Chez Simon P., un revolver et une boîte de 100 balles rondes pour arme à chargement par la bouche ou encore un fusil de précision, plusieurs armes blanches et des radios talkie-walkie. Au domicile de Anton R., toujours à Elbeuf, les gendarmes saisissent également une carabine, une lunette de tir et des centaines de cartouches de différents types. Ils y découvrent également une baïonnette et un couteau. Dans la maison d’Antoine L., soupçonné d’avoir participé à l’opération menée à Gurs, les gendarmes mettent la main sur un pistolet d’alarme et un pistolet à air comprimé. Toutes les armes saisies sont, après vérifications, détenues légalement par leurs propriétaires. D’où l’absence de poursuites pénales pour des infractions en lien avec la législation sur les armes. D’autres pièces à conviction, en revanche, permettent d’étayer le dossier sur l’idéologie nazie partagée et prônée par les protagonistes. Les perquisitions ont mis au jour de nombreux ouvrages, textes, tracts drapeaux qui laissent planer peu de doutes sur les références politiques des trois personnes poursuivies. Brassard avec croix gammée, drapeau noir avec croix celtique ou croix gammée, drapeau des sudistes confédérés, stickers du parti Reconquête d’Eric Zemmour avec l’inscription « Vous n’êtes pas des faits divers, vous êtes victimes de francocide », autocollant Ouest casual (un média d’extrême droite néonazi), autocollant « Oui aux clochers non aux minarets ». Parmi les nombreux livres saisis, les enquêteurs tombent, au domicile de Anton R., sur Mein Kampf d’Adolf Hitler, Immigration : la catastrophe. Que faire ?, de Jean-Yves le Gallou, un théoricien de l’extrême droite française. Dans la chambre de Simon P. qui se présente comme « une petite main » du site Démocratie participative, les policiers saisissent Guerre civile raciale de Guillaume Faye mais aussi les Races humaines de Claude Nancy. Au mur, ils découvrent une carte punaisée aux différents endroits où des opérations de tractage antisémite ont eu lieu. Au domicile du gardé à vue qui ne sera finalement pas poursuivi puisque mis hors de cause dans les différentes opérations de distribution de tracts, les gendarmes saisissent « la France Juive », un pamphlet antisémite signé d’Edouard Drumont publié à la fin du 19eme siècle. Sur la même table, « la France n’a pas dit son dernier mot » d’Eric Zemmour. Au sein de plusieurs domiciles, les gendarmes notent la présence d’ouvrages de Léon Degrelle, un journaliste belge, membre de la Waffen SS. Des recherches menées par les gendarmes permettent également d’identifier plusieurs comptes d’Anton R. sur différents réseaux sociaux. Sur Pinterest, il s’appelle « Saint Brenton » « vraisemblablement en référence à Brenton Tarrant, terroriste australien d’extrême droite ayant commis les attentats de Christchurch contre deux mosquées en Nouvelle-Zélande le 15 mars 2019 », selon les enquêteurs. "Un tour d'hélico pour les cocos" Sur un autre compte, Anton R. se présente comme « nationaliste français, pro-armes » et mentionne « le nom du dictateur Pinochet avec la formule « Un tour d’hélico pour les cocos », qui fait référence au vol de la mort ». Les enquêtes de personnalité, réalisées dans le cadre de l’enquête pénale, ne laissent pourtant pas entrevoir de traumatismes particuliers permettant d’expliquer le basculement des trois protagonistes vers l’extrême droite et la cause néonazie. Tous trois sont insérés socialement et professionnellement. Antoine L., 23 ans, effectuait, jusqu’au 1er novembre, un service civique en tant que fonctionnaire dans une petite commune des Pyrénées-Atlantiques et dispose « d’une situation financière stable ». Il est diplômé de l’enseignement supérieur. Son casier judiciaire est vierge. Simon P., qui apparaît comme le leader du groupe, arbore également un casier judiciaire immaculé. Titulaire d’un CAP, lui aussi travaille, en l’occurrence dans le secteur de la grande distribution. Il fait part « d’idées noires » à l’enquêteur social qui l’interroge et décèle un risque suicidaire au vu de ses déclarations. Anton R., 24 ans, s’inscrit dans le même genre de profil. Titulaire d’un baccalauréat scientifique, il travaille en tant qu’intérimaire à l’usine Renault Cléon (76). Malgré des trajectoires de vie banales, les trois hommes auront à se défendre face à la justice dans un contexte politique particulièrement tendu, notamment la recrudescence des actes antisémites à la faveur du conflit Israël-Hamas. Sur le plan judiciaire, le prochain jugement ne clôt pas les investigations. L'Office central de lutte contre les crimes contre l'Humanité et les crimes de haine (OCLCH) poursuit ses investigations sur les envois des mêmes tracts, mais par voie électronique, à des mairies ou des élus. En parallèle, la section de recherches de Rouen a été saisie d’une nouvelle enquête préliminaire « pour association de malfaiteurs, apologie publique de crime ou délit et provocation publique à la haine ou à la violence en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion ». Il s’agira de « poursuivre les investigations sur les faits similaires survenus dans d’autres lieux, procéder à tous recoupements et procéder à l’exploitation des données recueillies dans la présente enquête ». Il semble que la justice ait décidé de ne pas lâcher l’affaire. Un procès-verbal, versé au dossier la veille des interpellations des cinq gardés à vue, ne manque pas d’interroger. Il fait état d’une connexion entre Pascal P. et la maison d’édition de l’abbé Olivier Rioult, située elle encore dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Lors de leur surveillance, les gendarmes ont constaté que le véhicule de Pascal P., à la période où Simon P. était venu lui rendre visite et "susceptible de se trouver avec lui", est resté stationné à proximité immédiate de cette maison isolée dans la campagne. Selon ce procès-verbal consulté par Le Poulpe, Olivier Rioult est considéré comme « un prêtre catholique intégriste » défendant « des thèses antisémites et négationnistes ». L’homme d’église aurait été condamné, en 2022, à une amende de 1000 euros avec sursis pour insulte et incitation à la violence pour avoir décrit dans une vidéo, en compagnie « d’un militant d’extrême droite et activiste antisémite », les juifs comme « un problème dont la solution passe par le combat continuel et l’extermination ». Il a également été condamné, en juin 2022, pour « injures à caractère antisémite » et « contestation de crimes contre l’humanité », notent les enquêteurs de l’OCLCH. Et de joindre à leur PV une photo du prêtre en compagnie de l’humoriste Dieudonné en train de réaliser la quenelle. « « Cet arrêt dans la soirée du dimanche 10 septembre 2023 semble intéressant au vu de la personne associée à cette adresse », analysent les gendarmes. « On peut supposer que les occupants du Citroën Berlingo ne sont pas allés à cet endroit un dimanche pour acheter un livre mais pour rencontrer l’abbé Olivier Rioult, un de ses proches ou assister à un office. Vu l’aspect médiatique et controversé de cette personne, il semble peu probable qu’il réponde à n’importe quelle sollicitation. Les occupants doivent donc connaître l’intéressé ou avoir été présentés par un tiers », concluent-ils. Outre les investigations judiciaires, nul doute que les services de renseignement poursuivent leur surveillance des individus mis en en cause. À l’audience du 10 octobre dernier, aboutissant finalement à un renvoi, deux policiers affectés au renseignement assistaient discrètement aux débats tout en communiquant avec des collègues restés à l’extérieur du palais de Justice.